L’informatique quantique, une vraie révolution dans le monde du calcul ?

L’informatique quantique, une vraie révolution dans le monde du calcul ?

3 questions à …

Jean-Michel Torres, IBM Quantum Ambassador

1/ Qu’est-ce que l’informatique quantique ?

L’informatique quantique est une technologie de rupture dans le domaine du calcul. Elle vise à construire des ordinateurs qui utilisent directement les règles de la mécanique quantique pour coder et traiter l’information. Et c’est complètement différent de tout ce que nous connaissons dans l’industrie informatique actuelle : plus de 0 et de 1, mais des états quantiques qui peuvent représenter n’importe quelle valeur entre 0 et 1 (et c’est même un peu plus « complexe »), plus d’addition mais des interférences constructives et destructives qui permettent de « sélectionner » le bon résultat). C’est aussi un domaine de recherche depuis plus de quarante ans qui se caractérise à la fois par des défis technologiques passionnants, par des progrès nombreux et de plus en plus rapides et surtout par des possibilités de résultats extraordinairement prometteurs.

2/ Quels usages couvrira-t-elle que ne couvrira pas l’informatique traditionnelle ou le HPC ?

Le calcul quantique ne sera pas à court ou moyen terme un remplacement de l’informatique classique, il apportera des solutions en effet du côté du calcul de haute performance (HPC) et seulement pour certains problèmes. On s’attend à pouvoir traiter des calculs qui sont complètement hors de portée actuellement, au point même que l’on a presque renoncé à les traiter, ou bien à accélérer des calculs actuellement très coûteux (en temps et en énergie) dans des proportions très importantes.

Les principaux domaines d’application qui sont envisagés sont : la chimie, la science des matériaux et la biologie cellulaire (après tout c’est l’intuition initiale de l’information quantique par des physiciens qui ont imaginé pouvoir simuler le monde microscopique en utilisant les lois qui le régissent) ; les calculs de l’intelligence artificielle, si gourmands en ressources informatiques ; et le domaine de l’optimisation (plus court chemin, chargement optimal, ordonnancement…).

Je dirais aussi qu’il y a trois catégories : les problèmes pour lesquels l’informatique quantique va apporter des solutions de rupture et il faut s’y préparer (ne pas être en retard, maîtriser les usages, et en premier lieu développer les compétences), les problèmes pour lesquels on n’apportera pas de preuve de gain (mais qui permettront peut-être au passage de découvrir de nouveaux algorithmes classiques efficaces), et enfin les applications que l’on n’imagine pas encore et qui seront rendues possibles par le calcul quantique, et gageons que ce sera la plus vaste et la plus passionnante catégorie ! Qui aurait imaginé Internet tel que nous le connaissons il y a seulement soixante ans ?

3/ Quelles sont les échéances à venir ? À quel horizon un ordinateur quantique en entreprise ou dans le cloud ?

Les ordinateurs quantiques existent déjà et sont de plus en plus « grands ». IBM a mis en ligne plus de 25 machines dans le cloud et a aussi installé un certain nombre de machines « privées », par exemple en Allemagne et au Pays basque. Ce sont encore des plateformes de recherche, mais leurs capacités grandissent vite. IBM a proposé une feuille de route pour un calcul quantique utile : en 2024, la possibilité de réaliser une certaine classe de calculs, possiblement hors d’atteinte des calculateurs classiques, cela est connu sous le nom du défi 100×100, et pourrait ouvrir la voie à des résultats de plus en plus nombreux. Puis d’ici 10 ans, IBM vise la construction d’une machine utilisant 100 000 qubits, ce qui pourra adresser une classe plus vaste d’applications. Ces ingrédients visent à faire passer l’informatique quantique dans une nouvelle ère : celle d’ordinateurs dotés de tolérance aux erreurs, donc d’une grande stabilité, comme nos machines actuelles, mais avec des capacités exponentiellement plus grandes.

 

A propos de Jean-Michel Torres :

IBMer depuis 1989 j’y ai occupé diverses fonctions (support technique de grands comptes, fabrication, logistique, transformation des processus et des organisations. Je suis certifié PMP (Project Management Professional — PMI). J’ai rejoint le domaine du calcul quantique à IBM depuis 2018 : je suis IBM Quantum Ambassador, qiskit advocate et leader de l’équipe de traduction en français de la documentation de qiskit. Également « activiste STEM » : promotion des Sciences, Technologies, Engineering et Mathématiques auprès des jeunes.